C’est l’écureuil qui a remarqué, le premier, qu’il se passait quelque chose de bizarre.
Plus de coureurs aux couleurs criardes qui ébranlaient les sentiers de leurs lourdes enjambées et le faisaient fuir.
Plus de papiers jetés, d’épluchures d’orange, de coques de noix.
Le silence.
Puis les oiseaux qui, tout occupés à faire leurs nids, n’avaient rien vu, se sont étonnés.
Des fleurs partout, l’herbe haute, non tondue, beaucoup d’insectes bourdonnants.
Plus d’enfants joueurs poursuivant les pigeons à grand cris.
Le silence.
Les renards ont passé un museau prudent. Des oiseaux voletant partout. Des écureuils. Des insectes.
Plus de promeneurs, plus de hauts cris jetés en les voyant.
Le silence
Et la pureté de l’air, cette légèreté, le bleu du ciel non souillé par les passages des avions.
Mais où sont-ils donc ?
Les animaux ont tenu conseil.
Certes, c’était une bonne chose. Les humains étaient devenus encombrants. Il y en avait partout. Ils étaient trop. Soyons clair, c’était devenu une espèce invasive et nuisible.
Le rat protesta.
Ah non. Les humains étaient très utiles. Ils jetaient plein de choses bonnes à manger. Il n’y avait plus de marchés, plus de poubelles débordantes. Les rats allaient mourir de faim.
On se moqua de lui.
Il n’avait qu’à aller à la campagne, retrouver son cousin le rat des champs.
Le pigeon était d’accord avec le rat. On ne leur jetait plus de graines, de miettes de pain. C’était la catastrophe.
On lui dit qu’il pouvait faire comme tous les oiseaux, manger des insectes. Il lui faudrait se remuer un peu, et cela ne lui ferait pas de mal. Il avait tendance à grossir.
Mais où étaient-ils passés ?
Le lapin, toujours craintif, a dit qu’ils avaient peut-être tous mangé une mauvaise herbe, et qu’ils étaient tous morts.
L’idée fut rejetée.
Tout le monde ne mange pas la même chose en même temps. Et c’est en même temps qu’ils avaient tous disparu.
Le papillon dit que peut-être, ils avaient mué, ils s’étaient transformés en une nouvelle espèce. Après tout, les papillons sont chenilles dans une vie antérieure, puis ils deviennent papillons.
On examina la proposition.
En effet, c’était logique. Mais tous en même temps ? C’était possible. Ils avaient peut-être, eux aussi, une horloge interne.
Mais en quoi s’étaient-ils transformés ?
C’est alors que le chat arriva en courant au conseil :
Il y en avait encore !!
Il les avait vus !
Oh, pas beaucoup. Et puis ils marchent lentement, certains ont une grande tache blanche en bas du visage, qui leur couvre la bouche. Et ils se tiennent très loin les uns des autres.
Le papillon avait raison !
Ils étaient en train de muer ; de se transformer en une nouvelle espèce. Tout le monde sait que, lorsque les chenilles vont se transformer en papillon, elles s’éloignent l’une de l’autre et se cherchent un coin tranquille.
Mais en quoi allaient-ils se transformer ?
Sur ce, on leva le conseil, et les animaux décidèrent de se revoir la semaine prochaine, pour discuter de la suite des évènements.
Rosette Azoulay