Coronavirus : le temps des décisions, de l’action et des réflexions ; pas celui de l’indiscipline ou des polémiques

Sans être un spécialiste de la gestion de crise, j’en ai suffisamment connues en entreprise (c’était une partie de mon job) pour avoir quelques idées sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.

Tout d’abord, pour limiter les effets d’une crise et avoir une chance d’en sortir, il faut savoir prendre rapidement des décisions, en écoutant les conseils des experts, et les mettre en œuvre avec rigueur. Si aucune décision n’est prise, ou si elles ne sont pas correctement appliquées, on n’a aucune chance de changer le cours des choses. Si chacun décide de jouer à sa façon, ça peut être encore pire : certains vont involontairement augmenter les effets (par exemple en sortant sans précautions), et on ne sera pas en capacité d’analyser l’impact des décisions prises, et donc de conclure rapidement sur leur efficacité. Décisions, action et discipline !

Réflexions. Il y a deux, voire trois, niveaux de réflexion à mener.

Sur le « court terme », tenant compte de la plus ou moins grande efficacité des décisions prises et des actions engagées, réflexion sur les prochaines décisions à prendre jusqu’à la sortie de crise, en évitant d’y retomber immédiatement. Les réflexions actuelles sur la fin du confinement, la tenue des examens de fin d’année scolaires ou du second tour des élections municipales relèvent de ce premier niveau. J’y rattache également les réflexions locales sur l’approvisionnement des habitants et la survie des petits commerçants et des marchés.

Sur le moyen terme, réflexion sur comment éviter de retomber dans le même type de crises ou, a minima, en diminuer les effets. Les questions actuelles sur les moyens à donner, ou redonner, au système hospitalier ou la relocalisation d’un certain nombre de productions (équipements de protection, respirateurs ou médicaments par exemple) relèvent de ce second niveau, en ayant en tête que tout ne peut pas être dimensionné à la pointe… Il restera toujours une part de risque : nouveau virus, stocks toujours insuffisants, etc. Si demain un virus s’attaque aux articulations plutôt qu’aux poumons, saurons-nous répondre avec suffisamment d’attelles, de béquilles ou de fauteuils roulants ?

Les entreprises peuvent parfois, pas toujours, s’affranchir du troisième niveau de réflexion, d’ordre éthique ou philosophique. Pas les états ! Pour eux, la réflexion doit porter sur les infléchissements à donner à l’évolution de la société : place des services publics, limites du libéralisme et de la mondialisation, etc. Je me réjouis de voir que ces questions sont posées, par les politiques et les intellectuels, et qu’un certain nombre de contributions sur le sujet aient déjà été mises sur la table. Pour les entreprises, notons que ce sont des réflexions de ce type qui ont conduit Volkswagen, après le scandale des moteurs diésels, à engager un virage beaucoup plus rapide qu’initialement prévu vers les véhicules électriques.

Et les polémiques ?

Pendant la crise, est-il utile de demander en permanence si l’on aurait dû prendre telle décision plutôt que telle autre ? En quoi améliore t’on la situation en demandant quotidiennement si telle décision n’aurait pas due être prise plus tôt ? On ne fait que consommer une énergie qui serait certainement plus utile mobilisée à la résolution de la crise. Pire, on entretient l’indiscipline, en alimentant des réflexes du type « si les décideurs sont incompétents, pourquoi appliquer leurs décisions ? » Il est plus utile se demander en quoi les décisions prises et actions engagées sont efficaces et comment on peut les amender ou les compléter pour améliorer encore leur efficacité… On n’est plus là dans la polémique, mais dans l’exercice sens critique.

Il sera bien assez tôt, quand nous serons sortis de la crise, de faire l’analyse sans tabou de tout son déroulement. Peut-être conclura t’on que certains se sont trompés, qu’on aurait pu aller plus vite et faire plus efficace, qu’on a manqué de prévoyance et d’anticipation ? Peut-être faudra t’il prendre des sanctions s’il y a eu des fautes ? Là encore, on n’est pas, on ne doit pas être, dans la polémique stérile, mais dans l’esprit critique qui nous fait progresser.

Je me désole quotidiennement à lire ou entendre des politiques, des journalistes, et parfois même des soignants, expliquer que si on en est là c’est parce que tel ou tél décideur s’est trompé, voire nous a volontairement trompés… En quoi cela nous aide t’il à sortir plus vite de la crise ? Au moins les soignants ont-ils les excuses de la fatigue et de la colère. Mais les autres ?

Michel Giraud

 

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Agnès Gillot
Agnès Gillot
06/04/2020 16 h 19 min

Merci Michel pour cet article mais je ne suis pas d’accord et je vais polémiquer même en ces temps de lutte contre le Covid19. Polémiquer, même si ce terme fait référence étymologiquement à la guerre, j’y vois personnellement une guerre des idées, des débats toujours sains s‘ils ne sont pas nauséabonds. Il n’y a pas de mauvais moment pour débattre car son absence conduit véritablement à la guerre au sens propre du terme, à l’éloignement de la démocratie, au Rassemblement National et j’en passe. Confinés, contraints dans nos charges et occupations, c’est justement l’occasion de réfléchir, de s’interroger sur tout… Lire la suite »

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