Le principal outil légal de la démocratie participative locale est l’enquête publique. Pour simplifier, nous dirons que tous les projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement doivent faire l’objet d’une enquête publique. C’est notamment le cas des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).
Cette procédure est dirigée par un commissaire-enquêteur, éventuellement accompagné de membres d’une commission d’enquête, tous nommés par le Tribunal Administratif. Elle permet à tous les citoyens qui le souhaitent de donner un avis sur le projet, argumenté ou non.
A la fin, le commissaire-enquêteur fait une synthèse des avis reçus, et donne un avis à la collectivité qui a organisé l’enquête publique.
Ça, c’est la théorie !
Voyons maintenant la pratique, sur un cas d’école : la modification du PLU de Chatenay-Malabry.
Cette modification est proposée par la commune pour autoriser la restructuration du quartier de la Butte-Rouge, une cité jardin dont l’originalité et les qualités urbanistiques sont soulignées par de nombreux architectes de renom et autres personnalités, à commencer par Roselyne Bachelot, actuelle ministre de la Culture. Cette réorganisation du quartier se traduira par de nombreuses destructions de logements sociaux, la privatisation d’espaces publics actuellement en accès libre et potentiellement une surdensification. Les associations le redoutent, et le maire ne cache guère ses intentions.
Résultats(*) de l’enquête publique :
- 40 personnes se sont déplacées pour donner un avis sur le registre papier : 29 pour la modification du PLU et 11 contre ;
- 1566 avis ont été donnés sous forme électronique, dont 1356 contre le projet ;
- Au total, 85% des participants ont donc donné un avis défavorable au projet.
Et pourtant, le commissaire-enquêteur donne, in fine, un avis favorable !
La municipalité explique : « 1 606 avis ont bien été déposés mais 73,91 % émanaient d’associations et de personnes extérieures à la cité-jardin. »(*)
Cette explication suscite quelques questions :
- Depuis quand une enquête d’utilité publique est-elle limitée aux habitants d’un quartier ? Le texte officiel dit « Cette enquête a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers, et de recueillir l’avis du public sur ces opérations afin de permettre à la personne publique, dans le cas d’espèce la commune, de disposer des éléments nécessaires à son information. » (voir : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/enquetes-publiques#__RefHeading__204_1536567940).
La Butte-Rouge étant reconnue comme un ensemble architectural remarquable, comment s’étonner que l’enquête publique mobilise bien au-delà du quartier ? Reprocherait-on aux français ou aux touristes étrangers de vouloir donner leur avis si le département des Yvelines décidait d’autoriser la construction d’une résidence de luxe ou d’une cité HLM dans le parc du château de Versailles ? (exemple évidemment imaginaire !). - Si l’on organise une enquête publique avec des moyens électroniques et qu’on veut limiter l’expression à un groupe restreint de personnes, ne dispose-t-on pas aujourd’hui de tous les moyens de le faire (par exemple un établissant des listes d’accès à partir des listes électorales) plutôt que de déclarer ultérieurement nulle et non avenue l’expression d’avis par la voie électronique ?
Imagine-t-on la justice américaine décréter a posteriori que les votes électroniques ne sont pas valides ? Même D. Trump n’a pas réussi à l’y contraindre… - Mais il y a plus grave encore ! Quand on lit sur Twitter certains commentaires sur l’enquête publique de Chatenay-Malabry (par exemple : « à quoi a servi cette enquête publique puisqu’elle a été confisquée par les lobbys politiques ? »), on comprend vite que certains aimeraient pouvoir supprimer purement et simplement cette procédure, interdisant ainsi l’expression libre…
La démocratie participative est une attente de plus en plus forte des citoyens. Les associer plus étroitement à la prise de décision des élus est sans doute un des meilleurs moyens pour redonner confiance dans la démocratie représentative et inciter les électeurs à aller voter.
La démocratie participe repose, hélas, essentiellement sur le bon vouloir des élus ! Alors quand on constate que certains d’entre eux cherchent à vider de leur contenue les rares procédures légales et obligatoires, comme l’enquête publique, on ne peut qu’être très inquiet pour l’avenir !
Michel Giraud
(*) les chiffres et citations sont extraits d’un article du Parisien que l’on peut lire ici.
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