Le crépuscule de la décentralisation ?

Le processus de décentralisation a été engagé en France sous le premier septennat de F. Mitterrand avec les lois Deferre qui ont notamment supprimé la tutelle du Préfet sur les communes en faisant disparaître le contrôle a priori.

Il a ensuite connu des hauts et des bas selon les convictions décentralisatrices ou pas des chefs de l’Etat successifs et de leurs gouvernements.

Sous le quinquennat de F. Hollande, plusieurs réformes majeures de l’action publique locale sont intervenues. Certaines de bon sens comme la clarification des compétences entre les Régions et les Départements, le transfert de certains fonds européens (FEDER et une partie du FEADER et du FSE)  et d’une part de TVA aux Régions ; d’autres plus problématiques comme la création des grandes régions ou la poursuite de la montée en puissance des intercommunalités au détriment des communes. Par ailleurs, ces réformes n’ont jamais porté sur l’essentiel à savoir l’articulation souhaitable entre l’Etat et les collectivités locales. L’Etat continue à intervenir et souvent pas à bon escient sur tous les champs de compétences opérationnelles y compris ceux relevant des collectivités locales.

Depuis l’élection de E. Macron en 2017, le processus de décentralisation est en pratique à l’arrêt.

Sur le plan financier, la volonté de centralisation affirmée en 2017 conduisant à un encadrement normatif et inacceptable  de la dépense publique locale, ou la suppression de la taxe d’habitation (même si elle est pour le moment compensée intégralement) ont réduit l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales notamment des communes.

La création en cours d’une collectivité européenne d’Alsace en regroupant les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin a conduit à fragiliser la Région Grand Est sans contrepartie positive pour les habitants du territoire.

Les discussions avec les autonomistes modérés en Corse n’avancent pas réellement car l’Etat est incapable de définir une vision claire du devenir de la Corse au sein de la République sans parler des humiliations du Président de la collectivité territoriale de Corse Gilles Simeoni par le gouvernement et le chef de l’Etat au début du premier quinquennat d’E. Macron.

Le mille-feuille administratifs en Ile-de-France n’a pas été simplifié malgré les promesses d’E. Macron et plus personne ne comprend qui fait quoi entre la Région, la Métropole du Grand Paris, les départements, les Territoires et les communes.

La compétence apprentissage qui relevait historiquement de  la responsabilité des Régions a été recentralisée par Mme Penicaud en 2018/2019 et confiée aux branches professionnelles. Le résultat est sans appel comme l’a souligné la Cour des Comptes : les coûts ont explosé, l’apprentissage s’est développé dans les grandes métropoles et dans l’enseignement supérieur avec un véritable effet d’aubaine et tous les centres de formation des apprentis implantés dans les aires rurales voire périurbaines ont périclité conduisant à complexifier l’accès à l’emploi des jeunes vivant dans ces zones.

Sur la question de l’expérimentation qui consistait à pouvoir accorder à une collectivité locale volontaire des compétences différentes de celles des autres collectivités de la même strate, le processus est là aussi à l’arrêt.

Sur la question de la municipalisation de certaines compétences consistant à créer des régies locales pour reprendre des compétences transférées au privé (eau, énergie,  restauration, halle aux comestibles..), l’Etat n’accompagne pas les collectivités qui ont avancé dans ces domaines.

Pourtant, cette (re)municipalisation des services publics locaux est une avancée majeure qui permettrait de supprimer les rentes financières exorbitantes dont bénéficient des grandes multinationales. Sous réserve de la volonté des élus locaux concernés, elle peut se faire en associant largement les habitants de leur territoire au processus de décision. Si j’ai salué la création par la majorité municipale d’une régie municipale pour reprendre l’exploitation de la Halle aux comestibles (qui a été reprise de notre programme aux municipales de 2020), je regrette que le Maire l’ait fait sous forme d’une simple délibération au conseil municipal sans consulter ni associer les Fontenaisiens.

L’action publique locale doit être confortée à l’avenir car elle est globalement plus efficace, plus participative, plus respectueuse des attentes de nos concitoyens.

Le gouvernement doit engager une véritable réflexion en la matière car elle permettra aussi à l’Etat en se recentrant sur ses compétences régaliennes au sens large du terme (y compris la mobilité, le soutien à l’innovation, la fiscalité…). Ce serait une réforme autrement plus utile à notre pays que la seule réforme majeure conduite depuis 2022 à savoir la réforme des retraites qui pénalise tous les Français toutes classes sociales confondues.

 

Gilles Mergy

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