Alors que le Projet Paradis entre dans sa sixième année, il paraît opportun de faire le point sur son avancement, et sur sa pérennité.
Le présent papier n’aborde pas, volontairement, la question de son opportunité, ni des solutions alternatives qui ont été évoquées par beaucoup. Il essaie simplement de répondre à la question: ce projet est-il viable?
Il est établi à partir des rares éléments publics existant, accessibles à un modeste citoyen de la ville.
- Petit rappel historique
Les fontenaisiens découvrent le projet dans le Fontenay MAG, qui évoque dans son édition de juin 2016 la réunion tenue le 17 mai à la maison de quartier avec les habitants. Dès cette première réunion, le maire précise: « toutes les personnes qui souhaitent être relogées sur le quartier le seront dans les mêmes conditions financières pour un niveau de confort supérieur ».
L’idée centrale du projet est la suivante : sur la période 2018-2030 l’Office HLM 92 détruit par étapes tous les 833 logements sociaux du quartier, et les remplace par 833 logements sociaux neufs. Simultanément, il cède une partie des terrains à des promoteurs qui construisent 600 logements nouveaux – non sociaux – destinés à être vendus à de nouveaux habitants. Opération qui se déroule sans bourse déliée, ni pour la ville, ni pour l’Office puisque la vente des terrains finance complètement le coût de la destruction-reconstruction des 833 logements préexistant, et la construction des 600 nouveaux logements. Une bonne affaire pour tout le monde donc !
Ce schéma aurait été élaboré au moment de la conception du PLU. Apres que l’exigence légale de densification de la ville eut été enfin admise, le maire s’est interrogé sur l’art et la manière d’appliquer à minima cette exigence (construire 1500 logements à Fontenay entre 2012 et 2030). En particulier en sauvegardant les quartiers pavillonnaires de Fontenay : quartiers officiellement présentés comme les réserves de verdure d’une ville qui dispose de peu d’espaces verts, alors qu’en réalité ces quartiers sont supposés abriter la base électorale de la majorité actuelle… Il fut donc décidé d’affecter généreusement aux Paradis 600 logements sur les 1500 exigés par les diverses lois sur le Grand Paris, et donc de porter la densité du quartier de 194,5 habitants par hectare (DUP 2013) à environ 334. Pour mémoire, le centre ville a une densité de 196,7.
2. La charte de relogement
Le Conseil Municipal du 2 mai 2018 a approuvé « la charte partenariale de relogement dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier des Paradis ». Cette charte « a pour objet de fixer le cadre dans lequel le relogement des ménages résidant dans les immeubles voués à la démolitions sera effectué ». Les principaux signataires de la Charte sont le Préfet, la ville de Fontenay et l’Office HLM 92.
Remarque: en l’absence d’autre délibération du Conseil Municipal sur le projet, on est fondé à penser que cette Charte est le seul document officiel qui engage les parties, et en particulier l’Office, propriétaire des lieux et décideur ultime. On n’imagine pas en effet que le Maire ait pu signer un document engageant la Ville sur l’intégralité du projet sans l’approbation de son conseil…
La Charte donne dans son article 2 un planning:
Phase préliminaire :
- démolition/reconstruction de l’immeuble du 26, rue des Potiers
- démolition de 14 logements sociaux
- reconstruction de 40 logements sociaux.
Phase 1 :
- démolitions des immeubles du 18 rue Alfred de Musset, et 15-17-19-21 rue des Paradis
- démolition de 13 + 33 logements sociaux
- construction de 75 logements sociaux
- construction de 90 logements privés.
Aucune information dans ce document sur la suite des opérations. L’Office garde donc légalement, au-delà de la phase 1, toute liberté pour continuer ou arrêter le projet à sa guise.
- Le financement du projet
Le calcul sur l’économie du projet est relativement simple: le coût de démolition des 833 logements et de reconstruction – construction des 833 + 600 logements peut-il être financé par la vente des 600 logements privés?
- les coûts de construction font l’objet de statistiques établies par la CDC (caisse des dépôts) par département. Pour les Hauts de Seine, ce coût est compris entre 1 934 et 2 323 € du mètre carré, soit une moyenne (demi somme) de 2 128 retenue,
- le prix de vente du m2 prévisible est donné dans le PLU (fascicule Présentation), soit 4 272 €. À noter que ce chiffre est bien recoupé par la vente actuellement en cours du programme du promoteur des Nouveaux Constructeurs (rue Gabriel Péri) qui se fait à 4 565 € le m2.
Le calcul effectué (voir ci-dessous) donne un résultat édifiant: le projet est déficitaire d’une cinquantaine de millions d’euros. Ce calcul est certes grossier, mais l’ordre de grandeur est indubitable.
On comprend mieux que l’Office 92 ne se soit engagée à minima… Quel intérêt a-t-il à mobiliser autant d’argent dans un programme qui fonctionne en l’état?
On s’étonne tout autant que ni les géniteurs du projet, ni les services de la Ville n’aient fait ce petit calcul…. Avant que le maire ne se lance dans ses promesses qu’il ne sait ne pouvoir honorer.
- État actuel du du projet
Phase préliminaire: l’immeuble du 26, rue de Potiers a été détruit. En ce mois de mai, les pelleteuses sont arrivées et creusent le sous-sol. En dépit d’un recours sur le permis de construire. Livraison prévue en 2018, avec deux ans de retard.
Phase 1: le promoteur retenu vient d’ouvrier la campagne de vente, et annonce une livraison pour 2024 (contre 2022 initialement prévu).
- Conclusion
Il se peut que l’idée de départ soit apparue comme la solution géniale pour résoudre simultanément deux problèmes bien distincts:
- à court terme ‘vendre’ le PLU au préfet,
- et à long temps stabiliser socialement le quartier laissé à l’abandon depuis la dissolution de l’ESCALE en 2009 (mon papier du 6 mai sur le site Osez Fontenay): rehausser le niveau social du quartier, afin de le pacifier (cf incidents récurrents dont celui de mai 2021, avec mort d’homme).
Encore que courir deux lièvres à la fois est en général une entreprise incertaine…
Certains membres de l’équipe municipale y ont cru, et ont donné de leur personne, notamment pour le reclassement des premiers habitants. Quant aux habitants, comment peuvent-ils supporter depuis six ans une aussi intense campagne de ‘persuasion’ en face de si peu de garanties – puisque l’Office n’a jamais voulu établir d’avenant à leur bail confirmant les promesses du maire, alors que le bail est le document légal qui lie un locataire à son bailleur… et de si peu de résultats?
L’idée a peut-être été proposée de bonne foi par un maire tout neuf, inexpérimenté, dans sa deuxième année de mandat, sans réseau ni soutien, et à qui personne n’allait rien refuser à son génie…. Mais, elle n’a pas résisté aux intérêts divergents de la Ville, l’Office, le Territoire, et le Département. Plusieurs adjoints m’ont dit: « le département paiera avec ses énormes excédents », mais le département a visiblement d’autre priorités, et d’autre favoris… Et le projet est aujourd’hui clairement dans l’impasse: non verrouillé, non financé, déjà très en retard. La bonne idée est devenue au fil de ces revers un bluff, et à force d’obstination, un vrai mensonge d’un cynisme impardonnable.
N’est-il pas temps, M. Vastel d’en prendre acte, et de tenir – enfin – un discours de vérité ?
Dans l’intérêt des habitants du quartier et des Fontenaisiens dans leur ensemble.
Michel Bayet
Membre du Modem
Pour consulter le Diagnostic urbain partagé de 2013, cliquez sur le lien ci dessous :
Continuons autrement dans l’échec réussi