Municipales : s’exprimer en tant qu’artiste à Fontenay

 

Après un premier article publié sur le blog des Ateliers Fontenaisiens, intitulé « Manquer d’art », je voudrais creuser la thématique des artistes fontenaisiens et m’exprimer en tant que telle.


J’ai souvent le sentiment que les artistes sont les jolis attributs de notre ville et que leur image peut facilement être utilisée. C’est pourquoi j’ai apprécié de pouvoir participer aux ateliers fontenaisiens proposés par Gilles Mergy, d’être citoyen-référent pour réfléchir au développement des actions artistiques, et pris le temps d’écrire ces lignes.

Lorsqu’on est artiste et apolitique, il n’est pas simple de sortir du silence pour défendre des convictions, avoir un point de vue critique, gratter un peu le vernis sur le bilan des uns, les idées des autres, les promesses de tous. Et pourtant, il me semble que c’est nécessaire quand chaque programme des différents candidats met en avant des propositions pour les artistes et la vie artistique fontenaisienne…

À Fontenay-aux-Roses, on parle des artistes sans distinction. On dit « les artistes », le site « des artistes », une ville ‘ »artistes », les journées portes ouvertes des ateliers « d’artistes ». Mais nous sommes très différents les uns des autres, et chacun voit midi à sa porte.


Je ne vais pas parler pour les autres: les artistes amateurs, les artistes en devenir, les artistes retraités, les artistes qui enseignent, les artistes reconnus, les artistes chouchoutés (je fais référence à un article de journal), les artistes qui font du street art, les artisans d’art… c’est tout un inventaire.


Je vais donc parler pour moi, et espérer que les autres en feront de même…? Je pense toutefois que ce qui nous réunit, c’est le désir de montrer voire de vendre nos oeuvres ici, à Fontenay-aux-Roses. Ou alors d’y travailler sereinement, loin du bruit et de la fureur.

Je n’ai jamais demandé grand-chose à la ville où je vis depuis 20 ans, je n’aime pas demander. Depuis 8 ans, je suis artiste professionnelle, plus précisément artisan d’art, mosaïste. Cela signifie que je travaille dur toute la journée dans mon atelier, où je crée à la fois des oeuvres d’art et des objets utilitaires qui demandent un savoir-faire dit « d’excellence ». Je n’ai pas les moyens d’avoir une boutique, pourtant j’ai besoin de vendre et d’être visible. Je loue des stands dans de beaux événements, j’ai une boutique en ligne, des personnes viennent passer des commandes à l’atelier, et je donne aussi occasionnellement quelques stages. Mon espace de travail est trop petit pour donner des cours hebdomadaires, c’est un frein. Le fait est que je ne suis pas très connue de mes concitoyens, et pourtant je suis très active, et j’ai même un label « Artisan du Tourisme » décerné par le Département.

Pour ma part, en tant qu’artiste je me sens souvent instrumentalisée par la Ville. On me sort du placard quand ça peut faire joli, mais pas quand j’en ai réellement besoin.

Récemment, la liste de Laurent Vastel « Fontenay Demain » a utilisé sur Twitter un article sur moi paru dans le Parisien, avec ma photo, pour illustrer de manière très discutable son soutien aux « artistes ». Ce bel article était paru en avril dernier, à l’occasion d’un événement national auquel je participe tous les ans, Les Journées Européennes des Métiers d’Art. L’équipe municipale de Fontenay-aux-Roses n’a a priori rien à voir avec cela et n’est même pas venue me voir lors de ces journées.


Donc, on utilise d’office un article de journal sans même me consulter, mais c’est moi qui dois formuler une demande pour figurer sur l’annuaire des artistes fontenaisiens publié par la Ville sur son site internet.

Les portes ouvertes d’ateliers d’artistes en septembre, ce n’est pas une action culturelle de la Ville: c’est chaque participant qui fait cette action culturelle, coordonnée par la ville sans grande lisibilité ni pédagogie. Ce n’est pas engageant ni coûteux pour la Ville, c’est engageant pour nous qui accueillons le public. Beaucoup de villes le font. J’y participe un an sur deux, j’aime présenter mon travail et mon atelier, mais j’aimerais en contrepartie pouvoir aussi bénéficier d’un lieu d’expo dans ma ville, à un autre moment de l’année – car mon atelier n’est pas un lieu d’expo, c’est un espace de travail.

La page internet des artistes sur le site de la Mairie: est-ce satisfaisant? Pour moi non. Je n’ai pas envie de demander à y figurer, j’aurais aimé y figurer d’office avec un simple lien vers mon site internet. Mais il faut en faire la demande (pourquoi?), puis fournir des photos et des textes qui ne seront peut-être jamais réactualisés alors que mon travail évolue et que mes oeuvres sont uniques. Est-ce suffisant? Je ne crois pas qu’une page internet présentant une quarantaine d' »artistes » en vrac donne envie à quiconque d’aller à la rencontre d’un artiste en particulier. Cette action permet surtout à la Ville de se dédouaner sur le thème de notre visibilité, et de renforcer son image de « ville d’artistes ».

Si la Municipalité répondait avec bienveillance à mes besoins vitaux et me soutenait vraiment, elle aurait à coeur de favoriser la diffusion de mes oeuvres (pas seulement les mettre à la portée de tous les internautes curieux) et de ma démarche d’artiste, en m’octroyant une place physique dans la ville. Pour cela, elle:
– favoriserait toute l’année la visibilité de mon atelier
– ferait la promotion de mon travail par le biais d’une communication qualitative, notamment parce que je suis artiste professionnelle et que j’ai reçu ce label « Artisan du Tourisme » qui signifie que je fabrique à Fontenay des créations de qualité et que je reçois du public: une brochure en Mairie sur les artisans d’art et artisans de bouche, remis notamment aux nouveaux habitants
– me permettrait d’exposer mes créations dans une vitrine institutionnelle, en Mairie par exemple ou dans un espace en centre-ville
– tisserait avec moi des liens en me téléphonant régulièrement ou en me rendant une petite visite, comme elle le fait j’imagine avec ses commerçants
– ferait vivre un lieu interactif où je puisse organiser spontanément une exposition ou un stage, travailler en collaboration avec un autre artiste ou artisan d’art
– m’aiderait à trouver un espace de travail adapté à mes besoins (ce n’est pas le cas actuellement, à cause de nuisances lourdes générées par un chantier)
– me convierait au moins une fois par an à des moments d’échanges dédiés à nos initiatives artistiques 

Certains artistes peuvent potentiellement apporter beaucoup à la ville, pour peu qu’ils y soient reconnus, un peu choyés et dynamisés par des dispositifs ou des synergies. Me concernant, j’anime des ateliers très facilement pour des publics variés… en Bretagne. Et je réalise des oeuvres pour des immeubles… à Sarcelles. J’ai fondé une association « Singuliers Objets » qui organise un salon métiers d’art… à Sceaux. Ces compétences pourraient s’exercer ici, mais il n’y a aucun lieu pour ça, aucune flexibilité ni aucun budget. Aucune volonté?

Concrètement, je regrette que l’Ancien Conservatoire n’ait pas été attribué aux artistes plutôt que d’être fermé depuis au moins 2 ans. C’était un projet annoncé dans le programme de Laurent Vastel il y a 6 ans. Utilisation des artistes pour gagner des votes? Ce projet n’a jamais été mené. Pourtant, partout les lieux en attente de réhabilitation sont désignés comme « friches culturelles ». Pourquoi pas à Fontenay? J’aurais aimé pouvoir investir ce lieu conçu pour une pratique artistique et rassembler du public, cela avait du sens de prendre le relais des musiciens. Est-ce encore possible?

J’exprime depuis 2013 mon souhait de voir Fontenay se doter d’un lieu dédié – enfin, et pour de vrai. Maison des Arts, ou Fabrique des Arts, ou ce que vous voulez: un lieu où nous, artistes actifs et dynamiques, pourrions organiser des stages, des expos, travailler occasionnellement sur des projets de grande taille, nous rencontrer, vous happer, tisser des liens, développer une économie locale. Cette proposition est débattue depuis longtemps à Fontenay, elle remporte toujours l’adhésion des Fontenaisiens.
Ce lieu est à inventer, il doit être enthousiasmant pour tout le monde – ceux qui vont l’occuper, et ceux qui vont en être les visiteurs.
Pour ma part, je n’irai pas installer mon atelier au centre commercial Scarron. Même spacieux, même lumineux, non merci. Si la grande tendance (en province) est de redynamiser les centre-villes, les coeurs de ville, par l’implantation d’ateliers/galeries dans les petites boutiques fermées, je trouve vraiment très « instrumentalisant », une nouvelle fois, d’aller placer les artistes dans un centre commercial déserté, loin du RER, loin du centre-ville. Serions-nous des bouche-trous? Je n’ai pas la prétention d’animer un quartier, les habitants y ont besoin de commerces de proximité. Ce cadre n’a rien pour m’inspirer, ni me permettre de développer ma visibilité.


Quels artistes ont participé à l’élaboration de ce projet? Il me semble que la démocratie participative s’applique aussi aux artistes, or nous sommes « programmés » mais jamais aucune initiative venant de nous n’est accompagnée ni portée par la Ville.
Je le regrette, et envisage de délocaliser mon activité d’artisan d’art, à défaut de pouvoir la voir valorisée à Fontenay-aux-Roses. J’espère vivement que ces élections me redonneront de nouvelles perspectives, pour moi-même et pour ce que j’ai à apporter à ma ville.

Delphine Lescuyer
Mosaïste
www.anisetceladon.com

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