Depuis le milieu des années 70 (première crise pétrolière), l’ensemble des gouvernements qui se sont succédés dans notre pays n’ont pas réellement su affronter la mondialisation.
Ils ont oscillé entre l’ultralibéralisme et le démantelèment des services publics défendu par une partie substantielle de la droite, le « keynésianisme autocentré » à savoir la priorité absolue à la hausse de la dépense publique (porté par la quasi totalité de la gauche avant 1981 puis, après le tournant de la rigueur, essentiellement par la gauche plutôt radicale) et la simple adaptation à la mondialisation (ou « troisième voie » qui a été notamment défendue par la gauche dite gestionnaire).
L’échec des politiques libérales est patent. La crise épidémique actuelle a au contraire démontré que ce sont les services publics notamment celui de la santé qui ont permis à notre pays de résister.
La relance économique autocentrée, qui a permis le rattrapage économique du pays pendant la période dite des « 30 glorieuses », a montré qu’elle ne pouvait plus être efficace dans un monde ouvert où toutes les économies sont interdépendantes.
Les « politiques d’acquiescement » à la mondialisation (ou troisième voie) ont conduit à remettre en cause les piliers de notre modèle social ; elles ont renforcé les inégalités et ont conduit les classes populaires à une forme de désenchantement vis-à-vis de la classe politique.
En effet, si la mondialisation (rendue possible par les innovations financières et la chute spectaculaire des prix du transport international grâce aux conteneurs) a contribué au développement de l’Asie et à la consommation de masse en Occident, elle a aussi conduit à la disparition de la quasi totalité de la classe ouvrière en France, à la précarisation du travail, et à l’accélération des fractures territoriales.
Tout le monde convient désormais de la nécessité d’infléchir l’action publique pour faire face à ces dérives de la mondialisation dans notre pays et dans nos territoires.
Il faut donc engager une véritable refondation républicaine, sociale et écologique au niveau national, régional et local.
Au niveau national (en lien avec nos partenaires européens), nous devons notamment dès maintenant atteindre l’autonomie industrielle et stratégique et maitriser les chaines de production des biens essentiels (notamment les principes actifs des médicaments mais aussi l’industrie spatiale ou les protéines végétales par exemple pour nourrir le bétail qui à l’heure actuelle viennent quasi exclusivement du Brésil).
Nous devons aussi réarmer l’Etat en lui redonnant des fonctions de garant des solidarités essentielles, de gestion du temps long, d’anticipation stratégique. L’Etat doit pouvoir anticiper et préparer la crise de demain qui ne sera sûrement pas celle que nous vivons actuellement.
Nous devons également renforcer le dialogue partenarial entre l’Etat et les collectivités locales autour d’une feuille de route commune pour développer enfin l’économie verte et préparer la transition écologique, mettre fin au processus de métropolisation et de densification extrême, repenser les politiques de développement territorial, renforcer les solidarités de proximité, accompagner les plus fragiles.
Cela nécessite une réorganisation des services de l’Etat déconcentré et un renforcement des compétences des Régions (sur le développement économique, l’emploi, la transition écologique et l’enseignement supérieur) et des départements (action sociale, solidarité territoriale, numérique…).
Comme l’évoquent de plus en plus d’économistes, il faut privilégier la qualité des produits consommés à la quantité. Il faut encourager les circuits courts et l’économie locale et sédentaire. Il faut donner la priorité aux dépenses publiques essentielles au service du bien être de nos concitoyens. Il faut passer à une nouvelle étape que beaucoup baptisent selon un terme franglais « slow économie ».
Cette nouvelle étape du monde d’après, elle ne pourra être construite au niveau local que par des élus qui portent ces convictions depuis longtemps et non pas par ceux qui défendaient il y a encore quelques semaines un programme de densification immobilière et des dépenses d’apparat et de prestige.
Gilles Mergy