Vallée Sud Grand Paris exerce avec efficacité des compétences de proximité. Mais la complexité du modèle en l’île de France autour du tryptique communes-EPT-métropole auquel se superposent départements/région rend illisible la répartition des compétences. Qui fait quoi ? Très peu le savent. Nous plaidons pour la suppression de l’échelon départemental.
En effet, le département est-il toujours utile en zone urbaine ? L’utilité de cet échelon administratif, particulièrement pour ceux de la petite couronne (créés en 1964 officiellement pour des raisons administratives, pragmatiquement pour des considérations d’optimisation de la carte électorale…déjà) se pose depuis la mise en place de la Métropole du Grand Paris en 2015 et des Etablissements Publics territoriaux (EPT) en 2016.
Historiquement, le département est institué en 1790 par l’Assemblée constituante. Elle en créée 83, organisés autour d’un chef-lieu et dont l’administration est confiée à un Conseil Général nommé par le pouvoir central. En 1848, l’élection des conseillers généraux est instituée au suffrage universel. La loi du 10 août 1871 lui permet de devenir une collectivité locale de plein droit dotée d’une compétence générale pour régler les affaires d’intérêt départemental. Nous le voyons, cette collectivité est ancienne et correspond, avec la commune, à l’échelon historique d’une gestion décentralisée des affaires publiques. Le département est donc ancré dans l’inconscient des Français comme une administration immuable et insubmersible…tout du moins dans les territoires ruraux.
Un renforcement constant des compétences jusqu’en 2010
D’autant, qu’avec les lois de décentralisations de 1982 et 1983, le département est reconnu comme une administration de plein exercice avec un contrôle des services de l’Etat intervenant en aval de la prise de décision et non plus en amont. Son statut est dès lors renforcé et il est désormais compétent en matière d’action sociale, de gestion des collèges, de transport scolaire notamment. A compter de 2003, il se voit confié la gestion du RMI (devenu depuis RSA). Entre 2004 et 2009, il se voit confié la responsabilité d’une partie des routes ainsi que de nouvelles compétences à caractère sociale avec notamment la protection de l’enfance ou l’accompagnement des personnes handicapées.
Pour autant depuis une dizaine d’années, les prérogatives des départements sont grignotées tant d’un point de vue des compétences que d’un point de vue spatial. Ainsi, en 2015, la clause de compétence générale des départements est supprimée induisant un partage des responsabilités sur de nombreux thèmes comme le sport, la culture ou encore le tourisme.
Parallèlement, des territoires s’émancipent de l’obligation de conserver un département sur leurs terres. Désormais, le département n’existe plus à Paris (2019), en métropole lyonnaise (2015), en Corse (2018) ou sur plusieurs territoires ultra-marin (Saint Pierre et Miquelon 2003, Mayotte 2011, la Martinique et la Guyane en 2015).
La situation particulière de la petite couronne parisienne
Nous constatons donc que la question mérite d’être posée pour les départements de la petite couronne en Ile-de-France en général et pour les Hauts de Seine en particulier.
Actuellement, pour la petite couronne, les échelons administratifs normatifs sont au nombre de 6 : communes, Etablissement Public Territorial, Métropole du Grand Paris, Département, Région et Etat. Si nous comparons à la plupart des autres communes françaises, nous en comptons un de plus, si nous comparons à la ville de Paris ou à la ville de Villeurbanne, l’écart atteint 2 échelons supplémentaires et si nous comparons à nos voisins européens, nous en décomptons 2 ou 3 en surnuméraire. La question de l’efficacité et de l’empilement des strates se pose donc ici intensément.
Des compétences redistribuables
Ensuite, si nous listons les compétences du département et que nous analysons en parallèle celles exercées par un autre échelon, nous constatons des redondances observées qui pourraient être supprimées via un transfert ciblé de ces compétences au profit des communes, des intercommunalités ou de la Région. Ces transferts réduiront le coût de l’action publique et permettront à nos concitoyens de mieux savoir qui fait quoi entre les différents échelons :
- Solidarités et cohésion territoriale : cette compétence pourrait être logiquement assumée par les intercommunalités. En effet, ces dernières sont déjà dépositaires de la compétence logement (et notamment logement social) et de la compétence aide sociale. La proximité de cette collectivité avec les situations particulières et difficiles que vivent nos concitoyens devant bénéficier de ses aides permettrait une gestion humaine et incarnée de l’aide sociale en remplacement d’une gestion administrative et désincarnée actuellement observée dans de trop nombreuses situations. Un guichet unique dans chaque intercommunalité permettrait alors aux habitants d’évoquer soit globalement soit particulièrement leur cas personnel au regard des incidents ou accidents de la vie. Une alternative consisterait à demander pour le RSA une gestion au niveau des services de l’état ou des CAF par exemple qui disposent d’une grande expertise en la matière. En effet, les départements s’émeuvent régulièrement de la difficulté à gérer cette politique en mettant en avant l’imprévisibilité des dépenses à y allouer (le nombre d’allocataires variant continuellement).
- Éducation : actuellement, les départements gèrent la construction, l’entretien et l’équipement des collèges ainsi que la gestion des agents techniques, ouvriers et de services de ces établissements. Il s’agit ici des mêmes compétences exercées par la région…pour les lycées. Un effort de rationalisation semble donc possible et souhaitable en confiant une compétence de gestion patrimoniale des établissements d’éducation secondaire à la région qui dispose de moyens importants pour exercer cette compétence et cette expertise.
- Aménagement et transports : le département exerce une compétence sur la voirie départementale. Or, nous constatons que les intercommunalités se sont parallèlement largement engagées dans cet exercice de compétence sur leur territoire. Ici, la proximité et l’expertise acquise par l’intercommunalité sont de bons arguments pour confier la gestion des routes à cet échelon sur son territoire. La gestion du transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires pourrait assez facilement être prise en charge par la région (au travers d’Ile de France Mobilités par exemple).
- Action culturelle, sportive… : ces compétences restent très majoritairement locales. Elles pourraient donc facilement être administrés, en fonction de la taille et de l’importance des évènements soit par les communes soit par les intercommunalités qui disposent déjà actuellement de prérogatives en la matière. Le département ne vient bien souvent qu’en appoint sur ses domaines (subventions d’équipement par exemple).
En définitive, aucune des compétences de Département n’est suffisamment spécifique pour ne pas pouvoir être transférée à un autre échelon qui dispose déjà de l’expertise nécessaire pour avantageusement assumer la prérogative confiée. Sa disparition tout au moins en petite couronne nous semble donc pouvoir être envisagée.
Stéphane Jacquot, Président du groupe Rassemblement social-démocrate et écologiste, Goulwen Le Gall, Gilles Mergy et Cécile Renard
Je suis totalement d’accord avec cette proposition. J’ajouterais que pour qu’elle soit démocratiquement acceptable, il faudrait que :
– le Grand Paris soit doté d’un conseil élu au suffrage universel, comme les Conseils départementaux ;
– les Territoires, dont les compétences deviennent plus importantes que celles des communes, soient également dotés d’un Conseil élu au suffrage universel, par exemple sur le modèle des trois métropoles Paris, Lyon et Marseille (Conseil d’arrondissement/Conseil municipal).