NDLR : Avec l’autorisation de David MAUGER, Conseiller territorial de Vallée Sud Grand Paris, je publie ce texte qui date de 2021 mais qui présente de manière extrêmement claire le fonctionnement du Territoire et les impacts du Pacte de gouvernance entre les Maires sur la teneur du débat démocratique dans les réunions plénières.
Gilles Mergy
Je siège au Territoire Vallée Sud – Grand Paris comme unique représentant du groupe municipal Antony Terre Citoyenne, qui compte cinq conseillers municipaux.
Mon engagement politique local date de la dernière élection municipale, au printemps 2020.
Notre collectif pour les municipales a rassemblé des citoyens, des membres d’associations et l’ensemble des forces politiques de la gauche et de l’écologie (EELV, PRG, PS, PC, LFI et Citoyens à Antony, une association politique locale).
Loin d’être un professionnel de la politique, je suis arrivé dans ce collectif avec une expérience sur les sujets locaux touchant à la Réussite éducative, à la problématique de la qualité de l’air, au maintien des services publics et au budget participatif.
Pourquoi cette tribune en ligne et non pas dans le magazine du territoire ?
Parce que le règlement intérieur de VSGP ne réserve que 100 caractères dans le magazine du territoire au droit d’expression individuel d’un élu. Donc tout juste la place pour indiquer au lecteur l’adresse de cette page.
Je compte renouveler cette tribune en ligne au rythme des parutions du magazine.
Comme il s’agit d’une première tribune, j’ai choisi de donner mon point de vue d’élu minoritaire sur le fonctionnement du conseil de territoire, après un peu plus d’an de mandat.
Qu’est-ce que VSGP ? En quoi sommes-nous concernés ?
VSGP pour Vallée Sud – Grand Paris, est le Territoire – la communauté de communes – qui regroupe les onze communes du Sud des Hauts-de-Seine.
Par choix ou par obligation, selon le cas, certaines décisions ne relèvent plus de nos maires, mais du territoire.
C’est le cas, par exemple, du ramassage des ordures, des piscines, des conservatoires, des théâtres et, d’une partie seulement, des transports, de l’aide à la recherche d’emploi, de l’urbanisme, du logement…
Qui dirige VSGP ?
Depuis sa création en 2016, le territoire VSGP est présidé par le maire de Clamart, Jean-Didier Berger. Comme le département, notre territoire penche fortement à droite. Il est dirigé par des élus majoritairement peu sensibles aux enjeux de l’écologie, de la solidarité et de la transparence.
Je donnerai des exemples sur la manière dont ces enjeux sont (mal)traités dans les prochaines tribunes.
Pourquoi si peu d’élus pour défendre ces enjeux ?
Dans les conseils municipaux déjà, la loi électorale assure aux maires une large majorité. Pour faire court, la moitié du conseil municipal est désignée à la proportionnelle et la second moitié va d’emblée à la liste majoritaire, si bien que, sauf cas particulier (triangulaire, cission…) un maire a au moins les trois-quart des conseillers municipaux dans sa majorité.
Le mode de désignation des conseillers territoriaux par les conseils municipaux, en utilisant la méthode de la plus forte moyenne plutôt que celle du plus fort reste, accentue encore le manque de représentativité, en lésant particulièrement les communes moins peuplées.
C’est ainsi qu’aucun des élus minoritaires de Bourg-la-Reine, Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, Malakoff et Sceaux ne siège au conseil de territoire, qui compte pourtant 80 membres.
Même si je suis élu d’Antony, j’accorde une grande importance au dialogue avec les conseillers municipaux qui partagent les valeurs de notre collectifs et qui ont été élus à Bourg-la-Reine, Châtenay-Malabry et Sceaux.
C’est ainsi qu’il m’est arrivé d’intervenir au Conseil de Territoire au sujet de la Cité-Jardin de la Butte Rouge et de la ZAC La Vallée à Châtenay-Malabry et, de façon beaucoup plus anecdotique, au sujet d’une préemption à Bourg-la-Reine.
Quel pacte empêche la plupart des élus de VSGP de voter librement ?
Dès son élection, le président du territoire a présenté ce qu’il appelle la charte ou le pacte de gouvernance, auquel sont liés les maires et leurs majorités, quelle que soit leur couleur politique.
En octobre 2020, Jean-Didier Berger indiquait déjà « ici, il n’y a pas de majorité et d’opposition, nous sommes tous dans le même bateau et ce sont les villes qui sont essentiellement représentées. »
Je n’allais pas tarder à comprendre que cet accord de non agression entre les différents maires a pour effet de marginaliser toute opposition, car il implique qu’aucun élu d’une majorité municipale ne doit voter contre une délibération proposée par le président !
C’est ainsi que les élus de gauche se font régulièrement rappeler à l’ordre par le président Berger et sa garde rapprochée.
« Je m’étonne que des représentants de la majorité municipale refusent de voter une délibération proposée par le Territoire. Je rappelle le contenu de la charte de gouvernance de Territoire, solidarité et le vote des délibérations proposées par l’exécutif. »
J.-D. Berger, conseil de territoire du 15 octobre 2020
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=HGyS8ew1w18&t=3890s
Procès verbal intégral
« en se référant à la charte qui nous lie, le Territoire est là pour aider, accompagner et supporter au sens anglais et américain du terme les actions du Maire qui a été élu par la majorité de la population de la ville qui lui a fait confiance. Le Territoire n’est pas là pour représenter la minorité à qui la population n’a précisément pas fait confiance pour faire progresser la ville »
B. Blot, conseil de territoire du 10 février 2021
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=HIZbETNewKk&t=3061s
Procès verbal intégral
« c’est contraire, non seulement au principe démocratique, mais aussi à la charte de gouvernance de notre Territoire. Relisez-la et vous verrez ce qu’il en est. »
J.-D. Berger, conseil de territoire du 10 février 2021
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=HIZbETNewKk&t=3383s
Procès verbal intégral
« Je suis un peu surpris de voir que, malgré un pacte de gouvernance qui est assez clair et qui, je crois, nous a plutôt réussi depuis plusieurs années sous ta présidence, un certain nombre de conseillers territoriaux essayent, si j’ose dire, de créer une sorte de deuxièmes débats après ceux qui ont eu lieu dans l’enceinte des conseils municipaux. »
L. Vastel, conseil territorial du 18 mars 2021
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=3_1dgYbs9FY&t=4456s
Procès verbal intégral
« Que des élus de gauche, appartenant à des majorités de gauche, liés par le pacte de territoire, se permettent de critiquer de tels projets, de ne pas prendre part au vote ou s’abstenir, cela me paraît effectivement être le minimum syndical en la matière. Mais s’exprimer de la sorte, je pense que cela dépasse le cadre de notre pacte de gouvernance parce que si l’ensemble des conseillers de la majorité du Territoire de droite et du centre venait à s’exprimer et à prendre des positions publiques et éventuellement à s’abstenir lorsqu’il y a des votes sur des PLU d’autres municipalités, je pense que cela deviendrait un problème politique pour le fonctionnement de notre Territoire. Ce qu’on s’est toujours dit, c’est qu’on respectait le vote exprimé par le peuple dans chacune des villes, en tout cas, tant qu’il n’y a pas de vote au suffrage universel direct pour élire un Président de Territoire. Je pense que nous sommes tous opposés à cette évolution. Donc, tant que je serai le Président de ce Territoire, je veillerai au respect de ce pacte de gouvernance et j’invite les élus de toutes les majorités à s’y référer et à faire attention à son respect le plus vigilant. »
J.-D. Berger, conseil territorial du 18 mars 2021
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=3_1dgYbs9FY&t=5977s
Procès verbal intégral
Ainsi la plupart des élus de gauche, parce qu’ils appartiennent à une majorité municipale liée par la charte de gouvernance, en sont réduits, lors d’une intervention assez critique, à répéter leur allégeance à cette charte.
Autrement dit, c’est sous la contrainte qu’ils s’abstiennent, faute d’avoir le droit de s’opposer.
Et encore, le jour où dix-neuf conseillers sur quatre-vingts ont commis l’affront de s’abstenir ou de ne pas prendre part au vote, on a pu entendre un élu de la droite châtenaisienne, micro ouvert, s’en scandaliser. Ce fut sa seule intervention en un an de mandat au conseil de territoire.
« Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible, quels salauds ! »
conseil territorial du 18 mars 2021
Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=3_1dgYbs9FY&t=6358s
Procès verbal intégral
Ce pacte, je n’en connais que la version écrite de 2016, que l’on trouve sur le site du territoire : https://www.valleesud.fr/sites/default/files/media/downloads/Charte%2Bde%2Bgouvernance%2Bde%2Bl%27EPT_0.pdf
L’écoute ou la lecture de nos débats permet de mesurer les conséquences délétères de l’interprétation autoritariste de ce pacte sur la démocratie intercommunale.
Sous l’effet conjugué du pacte de gouvernance et du mode de désignation des conseillers territoriaux, le conseil de territoire ressemble à une assemblée fantôche (une chambre d’enregistrement, si l’on préfère l’expression consacrée).
Un territoire qui passe inaperçu
Tant que les bulletins municipaux, les panneaux d’affichage n’annonceront pas les conseils territoriaux et n’en relaieront pas les décisions, les habitants devront se reporter au site https://www.valleesud.fr/
Mais ce site donne peu d’information, on n’y trouve pas les compte-rendus des débats, ni les actes administratifs. À ce jour, le dernier rapport d’activité mis en ligne date de 2018.
Quid des débats du territoire ?
L’un des rares effets bénéfiques de la crise sanitaire fut la retransmission en direct et la mise en ligne des vidéos des débats du conseil de territoire.
Mais depuis cet été, nous sommes revenus à la situation précédente, sans réelle publicité des séances.
Les conseils territoriaux sont à nouveau en présentiel, ce qui est normal, mais avec seulement une dizaine de chaises pour accueillir le public et aucune diffusion vidéo.
Ajoutons que le verbatim des débats n’est pas non plus mis en ligne sur le site de Vallée Sud, alors que chaque conseil commence par la validation du procès verbal intégral de la séance précédente.
Seul un compte rendu analytique, c’est-à-dire un relevé de décisions, y est mis à disposition.
Puisqu’il s’agit de documents publics, une fois qu’ils ont été validés, je mettrai systématiquement en ligne, à la disposition de toutes et tous, ces débats.
David Mauger